dimanche 25 mars 2007

LES FRAGMENTS D'ANTONIN


Les Fragments d’Antonin
Réalisé par Gabriel Le Bomin
Avec Grégori Dérangère, Anouk Grinberg, Aurélien Recoing


1919. Antonin est revenu de la guerre sans blessure apparente. Pourtant, cet homme souffre. Sa blessure à lui est intime, intérieure, enfouie. Le professeur Labrousse, pionnier dans le traitement des chocs traumatiques de guerre se passionne pour son cas. Sa méthode, nouvelle et controversée, consiste à lui faire revivre les moments les plus intenses de sa guerre afin de l’en libérer.


Souvenirs de l’Enfer, Enfer du souvenir

Dans le cadre du 17ème Festival de films organisé par Images d’Ailleurs, « Les Fragments d’Antonin » s’inscrit parfaitement dans une programmation orientée autour du « Cinéma et de la Psychiatrie ».
Film magnifique et bouleversant qui traite des chocs traumatiques avec une puissance incroyable, « Les Fragments d’Antonin » distille de véritables réflexions sur le mal et l’horreur subis par les hommes pendant la guerre, et les traumatismes qui leur sont liés.
Antonin nous parle en off de la première journée de combat et du sentiment patriotique fort qui s’en dégage. De la fierté en somme. Puis la fierté fait place à l’horreur du quotidien, les compagnons deviennent des corps sans vie, et l’on s’échange de mains en mains une fiole d’alcool pour se donner du courage avant de donner l’assaut, de partir sous les balles et les bombes, de perdre la vie ou de tuer. Et cela devient du dégoût, de la culpabilité. Car ces hommes, les hommes, ne sont pas préparés à tuer, à devenir des bêtes assoiffées de sang. Alors lorsqu’il s’agit de tuer un jeune allemand dans les tranchées, Ernst, ou lorsqu’il est question de fusiller un compagnon pour l’exemple, Simon, ce sont autant d’évènements traumatisants et cauchemardesques qui hantent l’esprit à jamais. Pour tous ces morts, cette violence, Antonin souffre de reviviscences à l’infini. Il répète inlassablement les gestes de l’horreur, les noms de l'ignominie. Ceux qui l’ont marqué à jamais, comme des plaies ouvertes et purulentes, impossibles à cicatriser. Seule la douceur de Madeleine, jeune infirmière qu’il a aimée, lui revient de manière obsessionnelle certes, mais presque salvatrice.
Dans le service du docteur Labrousse, nous observons des corps marqués, affaissés, courbés par le poids de la culpabilité et de la douleur…des corps qui extériorisent les douleurs psychologiques si profondément ancrées.
Et même le docteur Labrousse, passionné par le cas d’Antonin, a vécu un traumatisme lié à cette guerre. Son fils unique, musicien, est mort au combat. Et la douce musique d’Erik Satie, jouée sur le gramophone de Labrousse, nous rappelle combien lui-même se perd dans la souffrance du souvenir. Car l’interprétation passée en boucle est celle de son fils décédé.

Combien de temps faut-il à un homme pour se construire ? Combien faut-il de temps à un autre pour le détruire ? Quelles sont nos limites face à l’insupportable, à l’horreur, à l’inhumain ?
La virtuosité de la mise en scène s’accompagne d’un montage morcelé, fragmenté. Nous pénétrons progressivement dans l’esprit et l’univers d’Antonin, nourris de souvenirs douloureux, et traumatisants. Cette construction fragmentaire s’organise autour des séances mises en place pour affranchir Antonin de ses angoisses paralysantes et morbides. A partir de divers stimuli, Antonin plonge et nous plonge dans ce passé si récent. D’abord par bribes, images et associations d’idées, sensations retrouvées. De là surgit son histoire, se dessine sa guerre. Les méandres de l’esprit d’Antonin se font petit à petit moins opaques et nous comprenons les blessures enfouies de son âme.
Ce premier film de Gabriel Le Bomin, au ton personnel, est une véritable réussite, grâce à la performance habitée de Grégori Dérangère notamment, mais aussi celle des autres acteurs. Loin des clichés et codes propres aux films de guerre, « Les Fragments d’Antonin » propose un regard neuf et décalé, mais surtout profondément humain sur les traumatismes psychologiques liés aux guerres.
Le souvenir de ce film marquera durablement nos esprits…

VG

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce Greg Dérangère, il serait pas un peu surfait par hasard.