samedi 24 février 2007

LA VIE DES AUTRES

LA VIE DES AUTRES
Réalisé par Florian Henckel Von Donnersmarck
Avec Ulrich Mühe, Sebastien Koch, Martina Gedeck
Sortie le 31 janvier 2007
Prix du Meilleur Film et du Meilleur Scénario aux European Film Awards en 2006



La passion quasi obsessionnelle d’un agent de la STASI pour un couple d’intellectuels, dans l’Allemagne des années 80, à Berlin-Est.


En 1984, (l’allusion à Orwell et son Big Brother semble ici évidente) à Berlin-Est, Gerd Wiesler (Ulrich Mühe) est officier de la Stasi, autrement dit, du service de contre-espionnage du régime communiste de la République Démocratique Allemande. Chargé de la surveillance de Georg Dreymann (Sebastien Koch), brillant auteur de théâtre soupçonné d’insoumission aux idées de l’Etat, Wiesler découvre qu’il est au cœur d’une intrigue orchestrée par le Ministre de la Culture pour éliminer Dreymann et séduire sa femme, l’actrice Christa Maria Sieland.
Célibataire et sans vie privée, Wiesler va s’initier à l’art, au monde des idées et à la passion, sphères qui lui étaient jusqu’alors totalement inconnues. Il oublie peu à peu son devoir, admirant de manière obsessionnelle ce couple et cet écrivain. Pris d’empathie pour ces (ses) victimes, il omet un jour volontairement de faire état dans son rapport d’un article écrit par Dreymann sur la fréquence suspecte des suicides d’intellectuels en RDA…

La fièvre de l’histoire gagne le cinéma allemand : après La Chute, Goodbye Lenin, et Sophie Scholl, un nouveau film historique, à valeur documentaire envahit nos écrans. La Vie des Autres (Das Leben der Anderen) dénonce l’état dictatorial établi à Berlin-Est. Témoignage éclairant sur les dégâts causés par la Stasi dans l’univers de l’Art et des intellectuels, dans un état qui a érigé la paranoïa et la surveillance en système comme nul autre.

D’une richesse historique incontestable, il serait pourtant réducteur de limiter la force de ce film à son seul intérêt documentaire. C’est en effet bien davantage une réflexion profonde sur la nature humaine qui est abordée dans La Vie des Autres. Car l’une des particularités des différents régimes totalitaires est de révéler la nature profonde de l’Homme. Or l’ensemble des personnages représentés, ainsi que leur choix, offrent un panel des caractéristiques de l’être humain, et mettent en exergue nos pires instincts : l’ambition, la convoitise, la peur, la lâcheté, le renoncement…

Nul besoin de dramatisation ni de fioritures ici. La retenue, le dénuement, et la simplicité suffisent à insuffler cette force si bouleversante. Cette même force qui permet de passer du thriller d’espionnage, au mélodrame, en passant par le conte philosophique. Et bien entendu en évitant l’écueil du pathos et de la complaisance. Du manichéisme rassurant aussi.
De cette simplicité exemplaire, nous noterons au passage le jeu incroyable des acteurs, qui servent un scénario admirablement bien ficelé : Ulrich Mühe, en agent de la Stasi découvrant son humanité, qui s’était déjà imposé dans les films de Michael Haneke comme Funny Games. Egalement le magnifique Sebastien Koch, qu’on avait remarqué il y a peu de temps dans Black Book de Paul Verhoeven.
Il s’agit d’une démonstration impeccable, époustouflante, mais non pas parfaite. Car la perfection pourrait agacer et laisser indifférent. Or ce sont mille sentiments qui envahissent le spectateur. Ces mêmes sentiments qui rendent les mots inutiles et superflus… La Vie des Autres bouleverse, résonne en nous et impose le silence, celui du respect.
Chapeau bas au cinéma allemand pour son renouveau et pour les moments de grâce qu’il nous offre.

VG

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