lundi 8 janvier 2007

DVD La cité de dieu



LA CITE DE DIEU
Citade de Deus
Réalisateur : Fernando Meirelles
Acteurs : Leandro Firmino da Hora, Alexandre Rodrigues, Phellipe Haagensen, Douglas Silva, Jonathan Haagensen, Seu Jorge
Durée : 124 minutes
Suppléments : Commentaire audio, Making of, scènes coupées, interview, clip, bande annonce
Date de sortie du DVD : 6 novembre 2003


AVIS ARTSITIQUE (9/10)

Rio de Janeiro. Années 60, 70, 80…trois décennies pour vivre la descente aux Enfers dans une favela : la Cité de Dieu. Entre violence, faim et misère, deux enfants et deux destins. Fusée, un petit gamin noir, pauvre et trop fragile pour devenir hors-la-loi, mais assez malin pour ne pas se contenter d’un travail sous-payé. Il grandit dans cet environnement, mais observe avec son regard d’artiste, tout en rêvant d’être un jour photographe professionnel. Petit Dé, lui, souhaite devenir le plus grand criminel de Rio. Il admire les gangs des plus grands et leur rend différents menus services. L’occasion lui est un jour donnée de tuer…


Voyage au bout de l’Enfer….Bienvenue dans la Cité de Dieu, qui n’a rien de paradisiaque, ni d’onirique. Bienvenue dans ce quotidien fait de violence, de misère humaine, de criminalité, où chaque jour voit son lot de morts, où chaque jour voit naître un nouvel épisode de cette guérilla urbaine. Le drame est omniprésent. À la poudre des armes se mêle l’odeur de sang versé…
Lorsqu’on qualifie ce film de véritable coup de poing, il serait possible d’y voir un subtil maniement de l’euphémisme tant « la Cité de Dieu » bouleverse, prend aux tripes, et vous marque !
Pour son troisième long métrage, Fernando Meirelles s’est en effet attaqué à l’Everest de la littérature brésilienne, Cidade de Deus de Paulo Lins : le récit sur plus de six cents pages d’une favela de Rio de Janeiro, peu à peu gangrenée par les trafics de drogue et la guerre des gangs. Une fois le décor planté, nul n’est besoin de préciser combien les rapports entre habitants de ces quartiers peuvent engendrer une intensité dramatique. D’ailleurs, ces mondes, ces univers ont été des sources d’idées, de nature à nourrir un film : Boyz N the Hood (sur les banlieues de L.A.), La Haine (sur les cités à la périphérie de Paris), 8 Mile (carrière d’un chanteur issu de quartiers oubliés)… De tous, celui-ci en est le plus abouti, le plus réussi, d’un réalisme frappant, d’une force écrasante. D’autant qu’il s’agit d’une histoire vraie, mais le réalisateur s’est abstenu de nous asséner le classique « tirer d’une histoire vraie », pour livrer des images chocs d’une interview du protagoniste à la fin…tout simplement percutant !

Véritable torrent narratif, doublé d’un tourbillon visuel, étourdissant, frénétique, explosif, et surtout parfaitement maîtrisé, « La Cité de Dieu » nous invite donc à partager ces trois histoires, ces destins croisés et contrastés de Petit Dé, Fusée et Béné, éloignés par la dureté de la vie. Certains pourraient s’agacer par la musique omniprésente et les lumières léchées d’un Brésil publicitaire, mais c’est davantage la vitalité, l’inventivité du disciple de Walter Salles qu’il faut saluer ici. Sa mise en scène est une pure merveille de créativité et de dynamisme, son plaisir et sa passion sont réellement perceptibles. Il y a tout au long du film, une véritable tension entre le réalisme dans le traitement du sujet (acteurs non professionnels, tournages dans des lieux réels), et la stylisation du point de vue formel et narratif, avec un travail élaboré à l’extrême sur les cadrages, la lumière, montage polymorphe, arrêts sur image, retours en arrière, alternance de points de vue, voix off, etc.
La profusion des situations, les différentes ramifications et la complexité d’une intrigue inspirée d’un livre plus que foisonnant laissent à penser que le réalisateur allait se perdre en route ! Et pourtant, c’est un véritable tour de force que parvient à accomplir Fernando Meirelles, en insufflant en permanence cette dynamique et cette fluidité au récit. L’emballement frénétique du film, sa gradation dans la violence font penser aux meilleurs Scorsese, comme les Affranchis. D’ailleurs, la comparaison avec Scorsese n’est pas fortuite, car lorsqu’on compare la recherche des deux hommes à montrer le caractère fondateur de la violence dans les villes et le maintien des gangs, force est de constater que les enjeux sont similaires. Mais là où le maître montrait une certaine lourdeur, Fernando Meirelles dévoile une virtuosité par sa fluidité, sa spontanéité, son rythme et son énergie.

A partir de cette matière première foisonnante, le réalisateur se focalise sur les deux personnages de Fusée, le narrateur timide et de Petit Zé, le gangster psychopathe. Le récit se structure autour de leurs destins, et de leur relation toute particulière, entre admiration secrète et haine. Fusée est le témoin, celui qui a survécu à cette dégénérescence et cette montée de violence. Il ne participe pas à cette guérilla urbaine, il conserve un regard distant, lointain, adoptant ainsi une focalisation externe. C’est sa passion pour la photographie qui le sauve, lui permet de conserver ce regard distancié sur ce monde perdu dans un océan de violence. Fusée fixe le temps, le fige et l’immortalise. Mais c’est surtout le personnage de Petit Zé qui représente la grande figure du film. Rarement on aura vu un rôle de « méchant » aussi réussi, convaincant de réalisme, avec un naturel déconcertant. On pense d’ailleurs à Joe Pesci des Affranchis, en figure de prince du mal. Petit Zé sème la mort et la terreur avec plaisir, et dans la première partie du film, lorsqu’on le voit, enfant, tirer sur des innocents, riant à gorge déployée, notre sang se glace. Et pourtant, Meirelles parvient à lui donner une part d’humanité, en livrant une image de garçon timide avec les femmes, comme tous les grands gangsters d’ailleurs, mais aussi dans sa relation d’amitié avec Carotte, et sa détresse vraiment palpable lorsque celui-ci meurt d’une balle perdue dans une discothèque.

Cette fresque magnifique, bouleversante, vous transporte pendant près de deux heures quinze dans un tourbillon de violence et d’émotion, et vous laisse sans nul doute le sentiment d’avoir vu un chef d’œuvre…




INTERACTIVITE (9/10)

Un double DVD, présenté dans un digipack collector superbe, tout simplement époustouflant, qui rend ses lettres de noblesse à l’authenticité du chef d’œuvre de Fernando Meirelles.
Les suppléments sont d’une rare qualité, l’image un régal pour les yeux, et le son divin ! Tout est à voir et à revoir... L’occasion de révéler au plus grand nombre ce film coup de poing, qui n’a pas connu le succès – pourtant largement mérité - à sa sortie cinéma. En un mot, ce voyage vers la Cité de Dieu est INDISPENSABLE !

Inventivité, créativité : voici les mots qui viennent à l’esprit, au regard du grand soin apporté pour nous faire revivre l’aventure qu’a été la Cité de Dieu.
Tous les suppléments sont en effet là pour satisfaire et combler nos attentes et notre curiosité. Loin de l’amas d’archives, ou des interviews conventionnelles et peu instructives, les bonus proposés ont pour objectif de nous placer au cœur même du processus de création et de fabrication de « La Cité de Dieu »…pour notre plus grand plaisir.

Tout d’abord, le Making of (52’37) offre une très grande leçon de cinéma ! Ce bonus constitue en quelque sorte le plat de résistance de ce menu succulent : grâce à un montage faussement chronologique (exactement comme dans le film) il permet de remonter le processus de fabrication et s’articule surtout autour du travail des acteurs. Tout nous est minutieusement restitué, du casting de ces deux cents jeunes issus de favelas, aux ateliers de travail pendant six mois pour parvenir à tirer le meilleur parti de ces acteurs en herbe. Un véritable « Actors studio » brésilien où des scènes d’improvisation leur sont quotidiennement demandées, pour offrir un réalisme et une authenticité hors du commun ! Quatre intervenants-clés, Fernando Meirelles (le réalisateur), Katia Lund (la co-réalisatrice), Guti Fraga (le directeur du casting) et Fatima Toledo (la directrice des répétitions) s’y partagent la parole et reviennent, images à l’appui, sur les méthodes de travail employées. Certaines têtes d’affiches de « La Cité de Dieu » interviennent également pour évoquer leurs expériences respectives, les obstacles rencontrés, comme la violence des scènes (même celles de répétition) et la violence qu’ils devaient puiser en eux (surtout Leandro Firmino da Hora pour son rôle de Petit Zé) ; tous s’accordent aussi à décrire le plaisir qu’ils ont eu et la richesse de cette aventure.
Ce pur moment de plaisir se savoure avec délice !


Deuxième bonus, et pas des moindres : les scènes coupées ! Au nombre de 14, Fernando Meirelles a eu la bonne idée de nous les présenter montées, bruitées, mises en musique et restituées en Dolby Surround. Autre excellente idée, elles suivent le découpage du film et des différentes décennies. Si certaines sont de simples extensions de scènes déjà présentes dans le final cut, la plupart restent inédites, et apportent de nouveaux éléments. Parfois anecdotiques, il est pourtant certaines scènes qui permettent de porter un tout autre regard sur une situation, comme l’attaque du motel : la narration se trouve en effet ici complètement changée, puisque le nouveau montage en split-screen permet de voir Petit Dé pendant que les autres braquent les occupants des chambres, accentuant la montée de la tension. S’il fallait vraiment trouver un tout petit défaut à ce supplément ? Le manque de commentaires audio du réalisateur, qui auraient pu nous éclairer davantage. Mais, bon, avec des si…

L’interview de Paulo Lins (15’01), auteur du roman dont s’inspire le film, se révèle une fois de plus être très instructive. Qu’il est loin l’exercice contraint et conventionnel de l’interview à tendance auto promotion ! Cet entretien poussé, permet d’aller au fond des choses. Truffé d’exemples et de mises en situation, tout y est abordé : de la conception du film, à l’adaptation du livre en scénario, processus sur lequel il a été très actif, à la projection devant l’ancien Président du Brésil et l’actuel, M. Lula. Paulo Lins revient sur la nécessité de s’éloigner de la rigueur documentaliste propre au livre pour livrer un scénario plus « impressionnant » et surtout moins violent. Il conclut en évoquant ses futurs projets de romans et d’écriture pour le cinéma, et on n’y réfléchira pas à deux fois avant de vous inviter à les suivre de très près.

La Révolte à la Cité de Dieu (1’03) est un petit cartoon aux allures de South Park, à l’humour corrosif et cinglant ! Le film n’ayant pas été nominé parmi les meilleurs films étrangers aux Oscars 2003, les gangstas de la Cité de Dieu se demandent pourquoi et ont donc conçu ce film d’animation original et jubilatoire ! A ne manquer sous aucun prétexte, même si on aurait aimé qu’ils aillent encore plus loin !

Le clip constitue l’unique petite déception de ce double DVD exceptionnel. Les images sont belles, le rythme effréné (voire même un peu trop), mais il n’y a guère grand intérêt à voir ces jeunes passer de la musique techno pour rendre compte de l’ambiance des favelas. La chanson du générique de début aurait été bien plus appréciée et appréciable…

Regarder le dernier bonus, autrement dit le Trailer (la bande-annonce), équivaut à un aller simple pour le septième ciel ! Pour ceux qui n’auraient pas encore vu le film, regardez vite cette bande-annonce et courez réparer votre erreur !

Le commentaire audio du réalisateur (Fernando Meirelles), scénariste (Braulio Mantovani) et chef-opérateur (César Charlone) se trouve sur le premier DVD et constitue une pièce majeure dans la compréhension du processus de fabrication de ce très grand film. Ce supplément regorge en effet d’anecdotes en tous genres sur le tournage, les acteurs, les choix scénaristiques, et le contexte social qu’il décrit. On est rapidement frappé par la débrouillardise dont ont dû faire preuve les artisans du film, ainsi que par le soin tout spécifique du point de vue de la photographie et de la mise en scène, qui a permis à « La Cité de Dieu » d’être techniquement parfaitement maîtrisé. Toutefois, pour accéder à ce petit bijou, il faut avoir la patience de visionner une nouvelle fois le film. Mais entre nous, cela en vaut vraiment la chandelle…



IMAGE (10/10)

Difficile de ne pas être trop élogieux lorsqu’il s’agit d’évoquer la qualité de l’image ! c’est tout simplement superbe : chaud, coloré, éclatant, contrasté... Une définition admirable permet en effet de rendre à la perfection la photo du film, riche en filtres. Les tons utilisés pour illustrer les différentes décennies sont irréprochables, et la version DVD offre en plus quelques merveilles dans la retranscription du jeu de lumières, comme au moment de la séance photo sur la plage, avec le visage de Tiago qui disparaît dans l’ombre.
En un mot, un véritable régal pour les yeux… !



SON (9/10)

Lorsque l’audio participe autant à l’ambiance d’un film, on attend forcément beaucoup ! Et une fois de plus, c’est très, très réussi ! La bande-sonore de « La Cité de Dieu » tire en effet complètement partie de son passage en DVD, et les cinq canaux sollicités donnent une précision, une harmonie, et une dynamique admirables, en nuances et contrastes.
Parmi toutes les pistes proposées, la DTS 5.1 VOST est incontestablement celles à choisir pour les puristes, tant elle est de qualité ! Le Dolby Digital 5.1 VOST offre néanmoins quelques belles surprises et rend bien les atmosphères de « La Cité de Dieu », un ton en-dessous ! Pour tous ceux qui supportent difficilement la VO, la version française existe en Dolby Digital 5.1 et Dolby Surround. Si les voix sont un peu étouffées par l’ambiance, c’est surtout le doublage qui affadit considérablement le sens et la puissance évocatrice de ce film !

VG

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