jeudi 11 janvier 2007

L'INCROYABLE DESTIN DE HAROLD CRICK



L’INCROYABLE DESTIN DE HAROLD CRICK
Réalisé par Marc Forster, avec Will Ferrell, Dustin Hoffman, Emma Thompson, Maggie Gyllenhaal, Queen Latifah.
Sortie : 10 janvier 2007


Harold Crick, agent du fisc, mène une vie austère et morne. Passionné de chiffres, son quotidien est régi par une organisation quasi scientifique, au sein de laquelle tout est minutieusement calculé et programmé : le nombre de passages de sa brosse à dents (76 pour être précise), le temps accordé à nouer sa cravate, le nombre de pas pour rejoindre l’arrêt du bus, celui de 8H17 très exactement. Dans cette vie bien trop rangée, Harold va connaître un bouleversement majeur : la voix d’une narratrice omnisciente commente ses faits et gestes et dévoile ses pensées les plus secrètes… Bref, Harold devient le personnage principal d’une œuvre de fiction.
Or, dans une fiction, il y a deux possibilités : la comédie ou la tragédie. Autrement dit : continuité de la vie ou inexorabilité de la mort. Et il semble qu’Harold fasse partie d’une tragédie et que son auteure ait décidé de le tuer.
Afin de changer le cours inéluctable de sa vie et de sa mort annoncée, Harold cherche de l’aide auprès de l’illustre professeur Hilbert, spécialiste en littérature contemporaine, interprété par Dustin Hoffman, particulièrement en forme.
Dans cette course effrénée contre la fatalité du récit et de la vie, les bonheurs simples vont prendre le pas sur le quotidien insipide, pour nous révéler toute la portée du carpe diem d’Horace.

Aux côtés du héros, interprété par Will Ferrell, l’un des comiques américains les plus populaires, on retrouve toute une série de seconds rôles remarquables :
Emma Thompson campe avec brio le rôle de la célèbre écrivaine en mal d’inspiration, aidée par la robuste et fidèle Queen Latifah, envoyée par la maison d’édition afin d’apporter des solutions à l’auteure névrosée. Le duo tragi-comique formé par les deux femmes est très touchant.
Quant à la charmante Maggie Gyllenhaal, pétillante et pleine de charmes, elle incarne à merveille la chaleur humaine et on aimerait tous que la vie soit aussi douce qu’un cookie sortant du four et préparé par elle, un après-midi de pluie.

Stranger than fiction (le titre en anglais, bien plus intéressant que la version française) apporte une réflexion douce et teintée d’ironie sur les méandres du processus de création et les affres rencontrées par ledit créateur.
Dans une sorte de jeu de miroirs, le spectateur / lecteur assiste à une leçon de dramaturgie, dans laquelle lui sont expliqués avec humour les rouages d’une intrigue, les ficelles du rebondissement, l’importance de la précision dans la caractérisation des personnages. Notons ici un soin tout particulier apporté à l’univers délicieusement atypique de chaque protagoniste : celui de Harold, organisé de manière rigoureuse ; celui de Karen, dénudé et à la blancheur de l’asile psychiatrique ; l’univers littéraire de l’excentrique professeur Hilbert, qui passe tout naturellement son temps à la piscine comme maître nageur, ou encore, celui chaleureux, vivant et savoureux comme un cookie, de la jolie pâtissière Ana.
Mais c’est également une brillante démonstration quasi burlesque sur l’art de la narration et les différentes focalisations à adopter, ainsi qu’un cours sur les possibilités infinies de l’auteur(e) démiurge, qu’on retrouve dans le film.
Et l’on comprend par la même occasion le pacte tacite qui s’instaure entre l’auteur et le lecteur, ou encore le réalisateur et le spectateur, puisqu’on accepte avec plaisir et délectation de se laisser emporter dans ces univers loufoques et de plonger dans cette fiction surréaliste.
Stupéfiant, inclassable, Marc Forster signe ici un film édifiant sur les frontières entre réalité et fiction, un thème qui lui est cher depuis Neverland en 2005, avec Johnny Depp notamment.
Finalement, et si l’illusion… était comique ?

VG

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